Article de Line Paulet
Septembre 1928
De mauvaises langues prétendent que les Sénateurs s’occupent fort volontiers des femmes hors du Palais du Luxembourg, mais refusent par contre de les connaître au sein de leur Assemblée.
Ce n’est évidemment là que pure calomnie.
Sans doute jusqu’à ce jour le rejet sine die du projet de loi tendant à reconnaître aux femmes le droit de vote et d’éligibilité semblait confirmer, du moins en partie, cette opinion, mais dernièrement au cours de la discussion du projet de loi sur l’organisation générale de la Nation en temps de guerre, les Sénateurs ont montré qu’ils ne méconnaissaient ni les droits, ni les devoirs de la Femme.
L’article 6 du dit projet, relatif à la réquisition des services des Français non soumis à des obligations militaires ne faisait en effet aucune distinction entre les sexes, en sorte que la jeune fille, la femme pouvait être réquisitionnée au même titre que le jeune homme ou l’homme non combattant. De nombreux Sénateurs parmi lesquels le Général Stuhl, Mr Voilin, Mr Sari, Mr Jenouvrier se sont élevés contre une semblable mesure en montrant les dangers qu’elle ne manquerait pas d’entraîner.
Si la loi autorisait la réquisition des Femmes, l’ennemi serait dès cet instant autorisé à considérer la Nation entière comme sous les armes si bien que les conventions internationales de La Haye relatives au respect de la population civile en temps de guerre ne seraient plus applicables à notre pays. D’autre part la femme en temps de guerre plus encore qu’en temps de paix, est la gardienne du Foyer qu’elle anime et défend.
Si le premier argument a sa valeur, il faut reconnaître que celle-ci est très atténuée du fait que pendant la dernière guerre l’ennemi semble s’être fort peu soucié de ces conventions. Il est vraisemblable que, dans l’avenir, celles-ci ne seront pas plus respectées qu’elles ne l’ont été précédemment, l’article 6 de la loi sur l’organisation générale de la Nation en temps de guerre ayant été ou non modifiée. Aussi bien n’est ce pas sur celui-ci que les divers orateurs ont insisté mais bien plutôt sur la dernière.
Mr Jenouvrier a résumé l’opinion du pays lorsque, après avoir rappelé le rôle héroïque joué par des femmes au cours de la dernière guerre, il a précisé :
« Jamais nous n’accepterons l’éventualité du départ forcé des femmes françaises de leur foyer. Vous exclurez sans doute certaines catégories de femmes de la réquisition. Mais est-il possible d’arracher des jeunes filles du foyer où elles vivent auprès de leur mère ?
« L’homme doit ses services à l’Etat. Quant à la femme, on ne peut lui demander que des services volontaires. Tous les pères de famille repousseront énergiquement la réquisition des femmes. »
Ce ne sont pas seulement tous les pères de famille, tous les hommes, qui seraient hostiles à une telle mesure mais toutes les femmes, féministes ou non. Tout le pays. Ce serait en effet provoquer la désertion des foyers, la division de la famille qui déjà en temps de guerre a tant à souffrir de l’absence de son chef. L’homme parti, c’est la femme qui le remplace, prenant à elle seule la charge souvent lourde de diriger et nourrir les enfants privés momentanément de père, de conserver intact et toujours productif le patrimoine.
L’exemple de la dernière guerre est là pour montrer que l’on peut compter sur Elles soit au foyer soit à l’usine soit dans les hôpitaux, soit même sous le feu de l’ennemi.
Quant aux autres, en faible minorité qui, libres, n’ont pas cru devoir associer leurs efforts à celui de la Nation, certains pourront les défendre encore puisqu’elles ont contribué à la tâche de soutenir le moral, en conservant à la France, malgré la grande tourmente, son visage toujours souriant.
Si j’ai cru devoir plus haut distinguer la femme féministe de la femme non féministe c’est que hélas, il faut l’avouer, beaucoup de femmes ne le sont pas ou croient ne pas l’être.
Toute femme sera féministe le jour où elle aura compris que le féminisme n’a pas la prétention de vouloir remplacer l’homme par la femme mais uniquement de donner à celle-ci la possibilité d’être l’égale de celui-ci, sans pour cela abandonner son rôle de femme, de mère de famille et gardienne du foyer qui sera toujours le plus beau.
Voilà ce que les Sénateurs ont compris. En excluant les Femmes de la réquisition en temps de guerre par l’addition à l’article 6 des mots « du sexe masculin » ils ont montré – bien que cela puisse paraître paradoxal à certains – qu’ils étaient féministes.
Réjouissons-nous de cette victoire. Le Sénat est avec nous.
Et puisqu’aujourd’hui cette page a des allures de bulletin de victoire, je ne veux pas passer sous silence l’additif au décret du 3 novembre 1927 qui institue un concours pour six places d’attaché d’ambassade et quatre de consul suppléant.
L’article 13 du décret primitif est en effet complété comme suit : « Les candidates éventuellement admises ne pouvant, en l’état actuel des lois et règlements exercer des fonctions inhérentes aux grades et emplois de services extérieurs, seront obligatoirement affectées à des emplois de l’Administration Centrale ou des services annexes. »
Voici donc la porte de la Carrière diplomatique ouverte à la Femme. Mais pourquoi ne pas l’avoir d’ores et déjà ouverte toute grande ? Mr Briand craint-il que la Femme n’ait pas assez d’adresse et de ruse, ou craint-il au contraire qu’elle en ait trop ?
Qu’il soit rassuré, l’expérience lui montrera d’ici peu sans aucun doute, que, comme lui, la Femme sait « nager ».
Line PAULET
Très intéressante intervention. Oh les fausses excuses. Belle semaine. Bisous.
RépondreSupprimerTrès intéressante intervention. Oh les fausses excuses. Belle semaine. Bisous.
RépondreSupprimerLes hommes veulent toujours et encore être prépondérants, c'est dans leurs gênes !
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